La voix du maure

vendredi 25 mars 2016

Tom Lanoye et la mère du djihadiste par Jacques Dubois

Tom Lanoye est aujourd’hui l’écrivain flamand n° 1. C’est aussi qu’il est un écrivain de combat, ce que l’édition française de Gaz, son récent opus, nous rappelle en quatrième de couverture : « Tom Lanoye milite pour les droits des homosexuels, dit ce texte, s’insurge contre les Flamands qui veulent diviser la Belgique et reste abasourdi devant le fait que plus de 3000 jeunes gens de nationalité belge ont basculé dans l’intégrisme militant et sont partis en Syrie. » Lanoye a écrit plusieurs romans, dont le très beau La Langue de ma mère, traduit en français aux éditions de la Différence. Avec Gaz. Plaidoyer d’une mère damnée, il nous propose un monologue de théâtre d’une grande force, d’une rare violence.
Tom Lanoye
Tom Lanoye
Gaz a ceci de singulier qu’il commémore un épisode de la guerre de 14-18 à travers l’évocation d’un fait d’aujourd’hui, dans les deux cas le gaz ayant été utilisé pour semer la mort. Sur scène, venant d’un champ labouré “gris comme la pierre et plat comme une table d’autopsie”, une femme s’avance vers nous, s’assied sur une chaise placée entre deux brûleurs à gaz et nous adresse la parole. Elle commémore sans le savoir la fameuse bataille de l’Yser où les troupes allemandes expérimentèrent un gaz offensif que l’on nomma l’ypérite et qui fit des milliers de morts dont un quart étaient des Algériens de l’armée française. Mais ce qui occupe bien légitimement la femme est que son fils vient de commettre (en France ? en Belgique ?) un attentat au gaz dans lequel il s’est fait exploser avec des centaines de passants : il a commis ce crime en djihadiste, celui qu’il a essayé de devenir lors de son passage en Syrie.
Elle voudrait comprendre ce qui est arrivé à son garçon tout en sachant que largement sa douleur est irrecevable. D’elle et de son fils, elle tient cependant à tout dire, à commencer par la césarienne qu’elle a subie lors de la naissance du gamin. Ainsi, chose horrible, le fils est mort comme il est né : dans le sang. Elle récapitule également la disparition du père, les crises de larmes de l’enfance et les crises d’acné de l’adolescence. Mais elle insiste : avec de faibles ressources, elle n’a pas cessé d’être une mère aimante. Elle aurait dû manger ce fils alors qu’il était bébé, se dit-elle. Mais elle ne l’a pas fait : « Je l’ai laissé me manger, moi. Étonnant comme il était gourmand. Il l’est toujours resté. Avide, impulsif. Au point d’en devenir crédule. Chaque année une nouvelle tocade, chaque printemps un nouveau hobby. » (p. 22)
Le monologue de la “mère damnée” va beaucoup tourner autour du besoin qu’elle prête à son garçon d’obtenir la reconnaissance dont tout être a besoin pour exister. Mais que peut faire un jeune qui a grandi au temps d’Internet et des réseaux sociaux pour trouver sa place, se faire une place ? Ici surgit l’image d’Érostrate qui fascinait déjà le Sartre du Mur. Soit ce héros malheureux de l’Antiquité qui ne pouvait supporter la réalisation du temple d’Éphèse donné pour l’une des merveilles du monde. Il choisit donc d’incendier l’édifice pour égaler à sa façon l’architecte. Et il y parvint fort bien puisque l’on se souvient de lui alors que le nom de l’architecte s’est perdu dans la nuit des temps. La célébrité par le crime donc.
C’est peut-être ce qu’a recherché à tout prix le jeune djihadiste qui n’a même pas été accepté par ceux en qui il voyait ses compagnons de révolte et de guerre. Il a donc dû rentrer en Occident et “tirer son plan” (comme on dit en Belgique), affreusement seul. C’est-à-dire massacrer aveuglément, y compris se massacrer lui-même. En quête, oui, de renommée ou, plus simplement de reconnaissance — alors pourtant qu’il n’a jamais cessé d’être aimé de sa mère et qu’il a obtenu un bac technologique. Tout cela aussi plat et aussi triste qu’un champ labouré en Flandre.
Il y a quelque chose de brechtien dans la pièce de Lanoye, une pièce qui se lit fort bien. On en retiendra en particulier la rare franchise du propos et du ton, cette franchise violente qui réussit à faire exister, le temps d’un acte, un petit univers. C’est que la “mère damnée” nous livre les choses avec une volonté implacable alors qu’elle ne les comprend pas.
Tom Lanoye, Gaz. Plaidoyer d’une mère damnée, traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten, Paris, Éditions de la Différence, “Littérature étrangère”, 2016, 10 € (en librairies le 17 mars 2016)
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 http://diacritik.com/2016/03/10/tom-lanoye-et-la-mere-du-djihadiste/

ANALYSE DU COMMUNIQUÉ DE DAESH DU 26 /12/15 par Rachid Benzine

ANALYSE DU COMMUNIQUÉ DE DAESH DU 26 /12/15
Le chef de Daesh Abou Bakr al-Baghdadi a diffusé un message audio ce samedi 26 décembre 2015 qui commence par un verset du coran ( Sourate 9 verset 52) qui sera analysé ici ainsi qu'une expression que l'on retrouve dans la tradition musulmane de fraction sauvée, al-firqa al-nâdjiya "
LE VERSET EN QUESTION ( SOURATE 9 VERSET 52)
قُل هَل تَرَبَّصونَ بِنا إِلّا إِحدَى الحُسنَيَينِ ۖ وَنَحنُ نَتَرَبَّصُ بِكُم أَن يُصيبَكُمُ اللَّهُ بِعَذابٍ مِن عِندِهِ أَو بِأَيدينا ۖ فَتَرَبَّصوا إِنّا مَعَكُم مُتَرَبِّصونَ
TRADUCTION HABITUELLE
Dis : "Qu'attendez-vous pour nous, sinon l'une des deux meilleures choses ? Tandis que ce que nous attendons pour vous, c'est qu'Allah vous inflige un châtiment de Sa part ou par nos mains. Attendez donc! Nous attendons aussi, avec vous".
ANALYSE
Dans la séquence à laquelle appartient le verset ( 9; 52) , le Prophète se trouve en butte aux réticences des puissants chefs de clans médinois à participer à ses actions à cause des risques encourus. Ce n'est pas le seul passage, par exemple : "le combat vous est prescrit (étant entendu qu'on ne peut obliger personne) mais il vous répugne dans 2, 216 "
L'hostilité de ces chefs de clan à la politique de Muhammad (ils sont en joie quand tu as des problèmes) se lit clairement dans 9, 50. Cependant, ces hommes qui récusent sa politique sont toujours ses alliés tribaux dans le cadre de l'oasis médinoise. Il ne peut rien contre leurs réticences sinon leur renvoyer des menaces eschatologiques, tout au moins dans le discours. Les versets 9, 51, 52 sont la réponse coranique à ces réticences
Sourate 9 verset 51
قُل لَن يُصيبَنا إِلّا ما كَتَبَ اللَّهُ لَنا هُوَ مَولانا ۚ وَعَلَى اللَّهِ فَليَتَوَكَّلِ المُؤمِنونَ
9, 51 "réponds-leur : nous ne serons atteints (tués ou blessés) que par ce qu'Allah nous aura destiné (aura "écrit" pour nous) ; il est notre allié protecteur, mawlâ (traduction habituelle le maître qui détruit le contexte ) ; sur Allah que se reposent (entièrement donc sans crainte) ceux qui sont entrés dans son alliance (traduction habituelle les croyants)
Sourate 9 verset 52
قُل هَل تَرَبَّصونَ بِنا إِلّا إِحدَى الحُسنَيَينِ ۖ وَنَحنُ نَتَرَبَّصُ بِكُم أَن يُصيبَكُمُ اللَّهُ بِعَذابٍ مِن عِندِهِ أَو بِأَيدينا ۖ فَتَرَبَّصوا إِنّا مَعَكُم مُتَرَبِّصونَ
9, 52 DIS-LEUR ENCORE : QUE POUVEZ VOUS DONC ATTENDRE (tarabbasa guetter avec une intention hostile ou pour profiter de la situation ; on retrouve le mot avec un sens équivalent dans, 57, 14 et 9, 98 ; 4, 141)
QU'IL NOUS ARRIVE SINON LES DEUX (choses ou issues) LES PLUS HEUREUSES (la victoire et le butin ou la mort et la rétribution eschatologique mais surtout ne pas introduire l'idée de martyre puisque ce n'est pas l'homme qui va à la mort mais Allah qui décide de sa mort) ?
PAR CONTRE NOUS, NOUS ATTENDONS POUR VOUS QU'ALLAH VOUS ATTEIGNE EN VOUS FAISANT ENCOURIR UN TOURMENT (ESCHATOLOGIQUE ) POUR VOUS OU QUE CELA SOIT DE NOS MAINS ; ALORS ATTENDEZ DONC ET NOUS AUSSI NOUS ATTENDONS ! (guettez nous donc ; nous faisons de même à votre égard )
LA FRACTION SAUVEE, AL-FIRQA AL-NADJIYA
"Que toutes les nations se soient liguées contre nous ne peut que renforcer notre certitude que nous sommes sur la bonne voie" Abou Bakr al-Baghdadi
Al Baghdadi affirme notamment que ses sympathisants sont le "groupe sauvé"
Cette notion ne relève pas du Coran ni de l'époque du Coran ni de la société du Coran mais des représentations, issues des sociétés postérieures pas avant le 9e s (début) avec un développement ultérieur. C'est l'idée que devant les divisions de l'islam, seul un groupe sera sauvé. On peut penser que l'on se trouve alors en face d'une résurgence de l'idéologie du "reste (sauvé)" biblique (d'Israel, de Jacob, de Juda qui se prolonge dans le christianisme et dans l'Apocalypse 7, 3-8).
La vision musulmane qui se fait jour dans le milieu des compilateurs de traditions qui constituent le corpus des paroles prêtées à Muhammad mais aussi à d'autres figures bibliques à travers une littérature dite des isrâ'îliyât, à comprendre comme "récits des Fils d'Israël". Tout cela est puisé dans le fonds composite des traditions aussi bien juives que chrétiennes, textes canoniques mais aussi bien entendu apocryphes variés, voire dans d'autres fonds comme celui de la tradition indo-iranienne.
LA TRADITION DU GROUPE SAUVÉ
On voit ainsi apparaître au milieu du 9e s dans le corpus des traditions d'Ibn Hanbal (m 856) une tradition qui fait dire au prophète :
"Les Fils d'Israël se sont divisés en 71 fractions dont 70 ont été anéanties et dont une seule a survécu ; ma umma (à l'époque à comprendre comme les musulmans donc comme communauté) se divisera en 72 fractions dont 71 seront anéanties et dont une seule sera préservée, khalasat ; ils (ses compagnons) lui demandent alors : laquelle ? Il répond à deux reprises : al-djamâ'a (le groupe uni)".
Il faut savoir que la tendance hanbalité qui est à l'origine du sunnisme était connue sous le nom de ahl al-sunna wa-l-djamâ'a, les "gens de la voie (du Prophète) et du groupe resté uni". Les différents mouvements qui ,à partir de là ,vont revendiquer d'être la fraction sauvée ont pour caractéristique commune de se revendiquer au même titre du Coran et du corpus (plus tardif) du hadîth prophétique contrairement aux théologiens plus anciens (les mu'tazilites) qui ont toujours refusé toute validité au Hadith en voie de constitution (à partir surtout du début du 9e s).
En dehors de cette référence aux deux corpus conjoints, il y aura entre ces nouveaux sunnites des luttes souvent féroces notamment entre les théologiens acharites et les hanbalites.
L'expression actuelle la plus extrême - à laquelle se rattache idéologiquement Daesh - est le sunnisme d'origine hanbalite mais totalement exacerbé par l'idéologie wahhabite, né au milieu du 18e qui pratique le takfîr, anathémisation et meurtre des membres de toutes autres fractions musulmanes. Daech s'affiche manifestement dans ce texte comme étant la "fraction sauvée" qu'il faut rejoindre si on veut assurer son salut dans l'au delà.
La représentation du "reste sauvé" biblique est subrepticement évoqué dans le Coran non pas en utilisant la terminologie hébraîque du she'âr, le "reste" que l'on trouve dans les textes canoniques (notamment Isaïe10, 20) mais à partir de la racine arabe BQY (rester , subsister).On en trouve un écho dans la sourate 11 verset 116. mais cette représentation d'un groupe, ûlû al-baqiyya, de survivants (à toutes les catastrophes qui ont accablé les Hébreux de la haute antiquité ; évidemment c'est nous qui savons cela pas le Coran) . ne trouve pas de point d'accroche dans la société d'origine constituée de groupes multiples.
C'est ainsi que tout de suite après l'évocation du groupe sauvé des générations (bibliques) antérieures de 11, 116, intervient l'affirmation selon laquelle Allah (divinité respectueuse des alliances conclues) ne saurait être injuste (envers ses alliés ). Allah ne fait pas disparaître les peuples qui se conduisent bien. En Arabie il n'y a pas comme au Proche Orient la phobie de l'envahisseur. Donc si la société est constituée de groupes multiples c'est que la divinité l'a voulu. C'est de cette manière qu'il faut comprendre 11, 117 : "si ton Seigneur l'avait voulu il aurait fait des hommes un peuple/tribu unique (mais il ne l'a pas fait ; la réalité anthropologique multiple de la société d'origine s'impose au discours) alors que (vous passez votre temps) à être en désaccord"

https://www.facebook.com/Rachid-Benzine-158384104318683/?fref=ts

Enseignement de l’histoire 1991-2014 : les écueuils, les enjeux. Un témoignage du « terrain » par Sahid Messaouri


J’enseigne l’histoire dans les écoles de la Ville de Bruxelles depuis 23 ans. J’ai appris mon métier de professeur à l’École Normale Charles Buls de la Ville de Bruxelles. J’ai ensuite suivi les cours de la licence en histoire à l’Université de Bruxelles.



Programme suivi (Ville de Bruxelles 2002)

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Pour le 1er degré de l’enseignement, ce programme prévoit la totalité de l’histoire humaine, des origines à la fin du XXe siècle. Vaste tâche !

Public visé : population majoritairement d’origine étrangère et quart-monde belge

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Les enfants qui nous sont confiés sont en grande partie issus de l’immigration maghrébine et turque, mais aussi polonaise, roumaine et d’Afrique subsaharienne. Tous sont nés à Bruxelles et ont la nationalité belge. Les autres enfants sont issus du quart-monde belge. Le quartier est celui des Marolles à Bruxelles, de l’église de la Chapelle à l’hôpital Saint-Pierre, non loin de la Porte de Hal.
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Pour ces enfants, le français est la seconde voire la troisième si pas la quatrième langue. Dans la majorité des cas, le français n’est pas parlé à la maison. Les enfants ne maîtrisent donc pas la langue française, ce qui implique des difficultés d’expression et de compréhension lors des leçons. De plus, ce sont des enfants qui se rendent deux à trois par semaine à l’école coranique ou dans une église évangélique où ils passent un certain temps (au moins plusieurs heures) à lire et à mémoriser des textes religieux dans d’autres langues que le français (arabe, syriaque, ourdou, pashtoun, lingala…).

Les écueuils rencontrés

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En 1ère secondaire, les élèves doivent apprendre la préhistoire et l’Antiquité. Ce qui ne va pas sans résistance !
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En effet, l’étude de la préhistoire comporte entre autres l’étude des origines de l’homme, les étapes de l’hominisation et les rites et croyances des hommes préhistoriques.
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C’est souvent un choc pour ces jeunes qui sont le plus souvent de confession musulmane et qui ne connaissent des origines de l’humanité que la version coranique du récit des tribulations d’Adam et Eve. Pour eux, point de portée symbolique ou mythologique du récit : Adam et Eve ont bel et bien existé ! Point besoin de preuves historiques ou archéologiques ! Puisque des textes religieux relatent en détail ces récits. C’est donc vrai ! Ils s’appuient sur une pléiade de publications d’auteurs salafistes qui abordent ces questions de manière péremptoire, sans aucune référence scientifique sérieuse, se reposant sur une lecture étroite et rigide du Coran.
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Difficile dès lors de parler sereinement de Lucy, de Ramidus, de Toumaï ou d’Abel.
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L’hostilité, la réprobation sont vraiment palpables. Le professeur joue sa crédibilité dans ces moments-là et souvent pour une année entière… Difficile, mais pas impossible. Car la soif d’apprendre de ces jeunes enfants est heureusement sans limite. Et malgré leur jeune âge, ils sont extrêmement sensibles à l’aspect démonstratif de l’exposé du professeur. Ils ont alors l’occasion d’entendre ce qu’ils n’entendent pas ailleurs, à savoir que sans preuve, pas de savoir scientifique.
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Très attentifs à ce que la pioche et la pelle des archéologues ont pu découvrir lors des décennies passées, littéralement fascinés par les méthodes de datation, ils sont alors à même de se faire une idée plus complète et probablement plus exacte des origines de l’humanité. Ces jeunes enfants réalisent alors une chose dont ils n’avaient absolument pas conscience : ils ignorent tellement de chose !
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Et c’est cette prise de conscience de leur ignorance qui est le point de départ du véritable processus d’apprentissage personnel. C’est alors un tout autre climat qui s’installe dans le local d’histoire. Il y a davantage d’écoute, de confiance malgré les nombreux commentaires sceptiques voire réprobateurs de certains « entêtés », qui ne veulent rien savoir, qui ne veulent rien apprendre.
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L’histoire antique apporte aussi son lot de surprises, de mises au point, de démentis et de clarifications.
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Sans surprise, c’est l’histoire des Hébreux qui donne pas mal de fil à retordre au professeur d’histoire. Pour nos jeunes étudiants, qui baignent bien malgré eux dans un climat d’antisémitisme latent (aux origines politico-culturelles bien connues), il est inconcevable que le premier monothéisme soit …juif ! Cela ne se peut ! Et leur expression incrédule quand ils apprennent que l’Islam est le …dernier monothéisme ! Quelque chose ne va plus. Ils sont littéralement abasourdis.
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La simple ligne du temps récapitulant au tableau les trois monothéismes successifs dans l’ordre de leur apparition leur paraît irréelle. On n’avait donc jamais dit à ces petits que Abraham et Moïse avaient précédé Jésus et que ce dernier avait existé près de six siècles avant l’apparition du prophète de l’Islam. Quant aux influences du judaïsme sur le christianisme et des deux cultes précédents sur l’Islam, c’est tout bonnement incompréhensible !
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Il y a pourtant un moyen d’amener positivement les élèves d’origine musulmane à comprendre que le judaïsme a façonné des pans entiers de l’Islam. C’est en évoquant l’épisode biblique du sacrifice d’Isaac par Abraham et en analysant rigoureusement une représentation de la scène, celle de Rembrandt ou du Caravage par exemple, que les élèves prennent alors conscience, progressivement, de l’antériorité réelle du judaïsme. Ils mesurent alors aussi tout ce que l’Islam doit à la religion d’Abraham. Un autre moyen permet également de décrisper les enfants arabophones, souvent majoritaires dans nos classes. C’est de leur montrer, exemples à l’appui que l’hébreu, l’araméen (la langue de Jésus) et l’arabe sont des langues sémites. Ainsi, ils apprennent que d’innombrables mots des ces langues sont quasi identiques, à une voyelle près. Ainsi, les mots père, soleil, paix, et tant d’autres …se prononcent de la même façon. De plus, ces langues s’écrivent de droite à gauche, ce qui apporte un élément de proximité supplémentaire, à la joie des élèves, ravis d’avoir découvert ce que l’on ne leur avait jamais dit auparavant, et qui était pourtant élémentaire et tout à fait à leur portée.
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Les mœurs et les croyances des Grecs et des Romains surpren­nent aussi (le terme est faible…) la plupart de nos petits apprenants. Bien qu’ils vibrent aux récits de l’Iliade et de l’Odyssée expliqués en classe, nos petits admirateurs d’Achille, d’Hector et d’Ulysse rejettent pourtant en bloc et sans nuance les explications concernant les dieux et les déesses de l’époque.
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Le polythéisme antique les révulse, au point que je dois m’y reprendre à plusieurs reprises pour fixer le tableau des divinités grecques et romaines. Autant les aventures de Jason ou d’Héraklès les enchantent (et je mets un point d’honneur à les leur conter le plus fidèlement possible), autant les aventures du maître des dieux entrainent chez eux consternation et réprobation. Enfin, l’homosexualité de la société antique les laisse pantois et interrogateurs, ainsi que les réalisations de l’art gréco-romain, où le nu était largement représenté.
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Comment dès lors leur faire comprendre la beauté et la valeur de sociétés et de civilisations qui ont contribué de façon aussi décisive à l’élaboration de notre société contemporaine ? La tâche est ardue.
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L’exemple de la démocratie athénienne ne semble pas soulever beaucoup d’émotion : par contre la place de la femme athénienne dans le gynécée leur convient parfaitement. Et l’on assiste alors à un affrontement entre filles et garçons, ces dernières contestant le sort fait aux femmes à cette époque lointaine.
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En 2e année, place au Moyen Âge, aux Temps Modernes et à l’époque contemporaine.
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De nombreux aspects de l’histoire médiévale heurtent la sensibilité de nos jeunes élèves. Qu’il s’agisse du christianisme dans l’Empire romain, des migrations germaniques, de l’apparition de l’islam, des croisades en Orient ou encore de la Grande peste.
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La grande majorité de nos jeunes élèves ne conçoit pas un seul instant que l’Afrique du Nord ait pu être chrétienne durant plusieurs siècles. Ils sont à la limite de la rébellion (je pèse évidemment mes mots) lorsque ces notions sont évoquées devant eux. Les figures de Saint-Augustin, de Tertullien ou de Cyprien leur sont odieuses. La simple analyse de la carte des évêchés africains les hérisse littéralement. Il faut des trésors de diplomatie pour qu’ils parviennent à admettre que leurs lointains aïeux comptaient parmi …les premiers chrétiens ! Ces Berbères pourtant illustres ne trouvent aucune grâce à leurs yeux.
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Et lorsque l’on présente la séquence sur l’apparition de l’Islam, ils affirment qu’ils n’ont jamais entendu ailleurs les informations communiquées en classe d’histoire. Ils ne s’habituent pas au prophète de l’Islam « simple » personnage historique. L’Arabie antéislamique leur est totalement inconnue. Pour eux, l’Islam existe depuis toujours, partout dans le monde et pour toujours. Ils sont littéralement dans un type de pensée absolue : la relativisation des concepts, des idées, des événements leur est particulièrement pénible, voire dans certains cas impossible.
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Inutile de dire comme il faut ferrailler pour les amener à analyser « rationnellement » le document iconographique représentant le prophète de l’Islam visage apparent (Miniature persane de la Bibliothèque Nationale à Paris). Certains enfants allaient jusqu’à ne pas le regarder de toute la leçon, « parce que c’est interdit » !
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Le Moyen Âge occidental, féodal et chrétien est particulièrement révélateur d’une série de présupposés idéologiques de la part de nos jeunes étudiants. Les Croisades en Orient en sont un exemple saillant.
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Les affrontements entre Croisés et « Infidèles » en Terre Sainte suscitent chez eux une émotion extraordinaire, ce qui amène le professeur à choisir ses mots pour ne pas blesser davantage ces enfants quasi endoctrinés.
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Les figures de Saladin, de Richard Cœur de Lion ou de Saint Louis (Louis IX) les ravissent, les étonnent ou leur sont définitivement incompréhen­sibles. La nuance qui permet de saisir les choses de manière fine leur fait complètement défaut. Une fois encore, le professeur doit impérativement prendre le temps, expliquer, expliciter, faire montre d’une infinie patience pour montrer qu’en Histoire, rien n’est noir, rien n’est blanc. Et que les massacres sont de tous les camps, de toutes les religions et, hélas, de toutes les époques.
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Le recours systématique aux documents iconographiques, aux textes (sous forme d’extraits traduits bien sûr), l’utilisation de l’atlas d’histoire, la diffusion d’émissions à caractère pédagogique (« C’est pas sorcier », notamment) permettent pourtant de montrer, de démontrer les choses, sereinement.
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En Histoire, l’on n’invente rien. Et pour mener l’enquête, il faut se poser des questions, beaucoup de question. Sans garantie de réponse certaine et définitive. C’est le lot des sciences humaines, « sciences molles », dont l’Histoire. Et cela aussi, les élèves ne sont pas prêts à l’entendre.
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Pourquoi iraient-ils troquer une conviction infaillible, indiscutable et définitive contre un savoir incertain, toujours en construction et où le doute est toujours permis ? Le confort contre l’inconfort. En début de degré, les élèves ont vite choisi. Mais après plusieurs semaines, plusieurs mois, ils comprennent peu à peu où le professeur veut en venir. Et ils lui laissent sa chance d’expliquer ce qui pour eux à l’origine est inexplicable. C’est un mouvement qui vient des élèves, qu’il faut pouvoir susciter, malgré les difficultés. L’apprentissage est un processus qui part des enfants pour revenir vers eux.
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L’Histoire moderne se résume schématiquement en deux temps forts : la Renaissance et la Révolution française.
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Le peu de cas que nos enfants font de la société antique (voir plus haut) nous laisse imaginer ce qu’ils pensent vraiment de la « renaissance » de celle-ci au XVIesiècle. Pourtant une idée centrale doit leur être expliquée qui va à l’encontre de tout ce qu’ils croient, de tout ce qui leur a été seriné hors école. C’est la place de l’Homme, la valeur que nous lui reconnaissons et la remise en question du modèle théocratique du Moyen Age occidental. Peu à peu, cette idée fait son petit bonhomme de chemin et les élèves admettent progressivement, avec encore des réticences, que l’abandon progressif du modèle théocratique en Occident conduit progressivement à une plus grande liberté, de conscience notamment et permet l’éclosion de la pensée scientifique, jusqu’alors réprimée. Ce chapitre de l’Histoire est capital. Il permet de montrer le lent cheminement d’une société archaïque et sous-développée vers une société moderne avancée. En quelques siècles seulement.
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Les élèves le comprennent et l’admettent. Dès qu’ils apprennent, dès qu’ils appréhendent le savoir, ils ne trichent pas et ne jouent pas à nier l’évidence. Dès que leur ignorance recule, leur bonne foi grandit et ils sont prêts à aborder dans de meilleures dispositions l’étape historique suivante.
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Et c’est de la Révolution française qu’il s’agit. Morceau de choix. Episode crucial pour l’histoire des idées. Il y a un avant et un après. Et notre société est encore régie par les principes posés par les Révolutionnaires de ‘89. L’actualité nous sert. Ne parle-t-on pas de « Révolutions arabes » ? De « printemps arabe » ? Après l’exposé des faits, des personnages marquants et des événements (sans rien celer de leur dimension tragique), commence le difficile exercice de comparaison. Partout et de tout temps, l’Homme a aspiré à la Liberté. Grand silence dans la classe. Plus un murmure.
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L’analyse du tableau de Delacroix « La Liberté guidant le Peuple » n’entraîne aucun commentaire négatif. A peine aperçoivent-ils la poitrine dénudée de la Liberté… Alors que quand nous étudiions l’art grec, un an plus tôt, que de protestations pour une Vénus de Milo ou une Aphrodite de Cnide! Là, plus rien. Manifestement, ils ont compris. Enfin. Le tableau de Delacroix est littéralement « intégré ». Le jeune Gavroche est admiré. Sans retenue. Un moment de grâce au cours d’histoire comme il en existe peu. Après tant et tant de déconvenues !
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Un autre moment fort du programme de deuxième secondaire est sans conteste la montée des totalitarismes et la Seconde guerre mondiale. La solution finale préconisée par les nazis à l’encontre des Juifs d’Europe est évidemment racontée et expliquée avec soin.
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La réaction des enfants est complexe, passant de l’antisémitisme latent présent chez eux à l’indignation réelle lorsqu’ils ont enfin compris les tenants et les aboutissants du régime d’Hitler et le sort tragique réservé aux millions de Juifs déportés. C’est une leçon clé. Celle qui fixe les choses pour l’avenir. Les élèves doivent entendre et connaître ces explications. Et pour qu’ils puissent aussi se situer personnellement, individuellement. En âme et conscience.

Pour une citoyenneté véritable

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L’école forme les citoyens de demain. C’est une évidence. Les électeurs de demain. Les contribuables de demain. Les parents de demain.
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Le cours d’histoire, et à travers lui les professeurs chargés humblement de le dispenser, ont une responsabilité écrasante. La formation idéologique (dans l’acception positive de cet adjectif si décrié au XXe siècle) repose en grande partie sur les leçons qu’ils auront le temps, la patience, la possibilité de dispenser au cours des six années du secondaire et singulièrement au cours des deux années du 1er degré de l’enseignement. On peut encore « rattraper » un enfant de douze, treize, quatorze ans. Le mal est définitif passé seize ans, âge de nombre de nos jeunes partis s’égarer en Syrie ou en Irak, à la poursuite de mortelles chimères. Les certitudes s’installent pour la vie. Le doute, la pensée relative s’estompent à jamais. Le dogme triomphe.
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Par la persuasion, le dialogue, le respect inconditionnel, l’écoute véritable (il faut donner la parole aux enfants, leur permettre d’expliquer avec leurs mots la vision qui leur a été inculquée, sans les juger ni les interrompre) et l’explication rationnelle, sincère et scientifique, on peut parvenir progressivement à réfléchir et à se forger une opinion non plus apprise mais qui repose sur des faits solidement établis.
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C’est ainsi que nous pouvons espérer renouer le dialogue avec ces jeunes de l’« après Charlie » avec espoir et enthousiasme.


Plan de l'article

  1. Programme suivi (Ville de Bruxelles 2002)
  2. Public visé : population majoritairement d’origine étrangère et quart-monde belge
  3. Les écueuils rencontrés
  4. Pour une citoyenneté véritable

Pour citer cet article

Messaouri Sahid, « Enseignement de l’histoire 1991-2014 : les écueuils, les enjeux. Un témoignage du « terrain ». », Cahiers Bruxellois – Brusselse Cahiers 1/2015 (XLVII) , p. 283-288
URL : www.cairn.info/revue-cahiers-bruxellois-2015-1-page-283.htm.


Cahiers Bruxellois – Brusselse Cahiers 2015/1



vendredi 26 février 2016

Après la Nakba

Aimer, quitter, pleurer. Se remettre, pour renaître; enfin être. Après la rupture, se convaincre que l'Amour se réincarnera en une autre personne. La patience a ses raisons que le désespoir ignore. Adieu l'Andalousie, bonjour "vaste monde".

Djihad et croisades

Prenez Jérusalem, prenez même l'Afrique, l'Asie
Et tous ses lieux saints.
Laissez-moi juste la lumineuse Andalousie
Pour me recueillir entre ses deux seins.

Mon étendard

On raconte que nos deux peuples sont en guerre.
Fais de moi ton captif, je renierai mon père.
Que m'importe la terre!
Mon étendard à moi, je le plante dans ta chair.

La Reconquista

Je me réveille inondé de souvenirs de toi;
Ma tête tourne, ma voix tremble, mes yeux se ferment et s'ouvrent au rythme des images qui défilent en moi
De nos torrides ébats
Où tes baisers longs et brûlants me plongeaient dans tous mes états;
Ta langue de feu consumerait même un roi.
Je me plie à ta loi,
Mon amour, mon cœur, ma renaissance,
Ton regard de braise me met en transe;
Dans tes yeux andalous je retrouve mon innocence.

Chaos (K.O)

Même si j'ai mal partout,
tu me manques, mon trésor andalou.
C'était si bon, c'était si fort,
Que mes jambes en tremblent encore.
Ta douceur, ta sensuelle voix
m'ont mis cette nuit en émoi.
Devant tant de grâce et de charmes,
Je me résigne à déposer les armes.
Fais de moi ce que tu veux,
Te donner du plaisir me rend heureux.
Laisse-moi me noyer dans ta bouche chaude
Pour te composer, enfin, ma plus belle ode.

mercredi 16 décembre 2015

Affiche cinéma Othello le maure de Venise



Affiche de cinéma. Othello le Maure de Venise. Cinéma Capitole. Porte de Namur, avenue de la Toison d'Or ("D'après l'immortel chef d'oeuvre de Shakespeare. Société des Films Mercator") [Illustrée ; polychrome ; français ; 85x62 cm ; 1 exemplaire détérioré], [1922] / Imprimeur Litho du Sud


(AVB  Affiches cinéma X-22)
  

vendredi 27 novembre 2015

Edmond Picard au Maroc

Edmond Picard au Maroc
Le personnage d’Edmond Picard (1836-1924) est très présent dans l’histoire de Belgique au tournant des 19e et 20e siècles. Ce fulgurant personnage de la vie politique, judiciaire, culturelle, littéraire et sociale brille aussi par des idées nauséabondes. En 1884, il effectue un voyage avec une délégation diplomatique belge au Maroc. Il en tire un récit où son racisme apparaît au grand jour.

"El Moghreb"

Les Archives de la Ville de Bruxelles conservent un des 205 exemplaires, remarquablement imprimés et reliés, de l’ouvrage d’Edmond Picard, rédigé lors de son voyage au Maroc en 1884. Cette ambassade diplomatique belge, conduite pour le roi Léopold II par le baron Whettnall, visait à déployer un comptoir sur les côtes marocaines au profit de l’État indépendant du Congo. Le récit de voyage, dont on peut reconnaître quelques effets "esthétiques", est insoutenable dans son contenu. Le célèbre homme public, ténor du barreau, socialiste à ses heures, y témoigne clairement de ses idées racistes et de son obsession à préserver l’Europe et la "race aryenne" d’une "menace sémitique".
Son récit inspira un autre auteur, Pierre Loti, assez proche de ses idées. Les opinions de Picard sont aujourd’hui mieux cernées par les historiens. Comme l’expliquent Paul Aron et Cécile Vanderpelen-Diagre, la grande ubiquité du personnage en a fait un homme difficile à saisir, entouré d’une sorte d’écran de fumée. Lorsqu’il apprit la réalité en 1995, le célèbre avocat Michel Graindorge renversa le buste d’Edmond Picard qui trônait parmi le panthéon judiciaire national au Palais de Justice de Bruxelles.

Touche à tout

L’une des particularités d’Edmond Picard est d’avoir fréquenté tous les milieux de son époque. Par exemple, il fut très proche du monde littéraire et artistique, dont il soutint les courants les plus modernes. Ce n’est pas étonnant de retrouver dans son El Moghreb des illustrations de Théo Van Rysselberghe qui fit d’ailleurs partie de cette ambassade (voir le dessin en illustration). Co-fondateur du groupe d’avant-garde "Les Vingt", le célèbre peintre, proche des milieux libertaires, fit plusieurs séjours au Maroc et en Espagne dont il ramena de nombreux portraits et scènes pittoresques.

( https://www.bruxelles.be/artdet.cfm/8795)

lundi 2 novembre 2015

Marcel Khalife - Taqasim


Citations

"J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'inlassable espérance." (Jacques Berque; Andalousies)

lundi 17 août 2015

Hymne du REBEUuuuuule

Pour marquer ton dégoût du système, sois rebelle:
Glisse, au regard de tous, une exquise quenelle.
Ainsi tu changeras, tel un "vaillant" mouton,
De troupeau pour garder ton rôle de planton. 
Honore ton berger par un salut fidèle!

Le Cercle des porc-geois

Zemmour veut la Lorraine?
J'n'y vois aucun problème!
Qu'il déverse sa haine
Devant un public blême:
Hobbit cherche un royaume
Ressemblant à un home.
Vaines, les prises d'bec...
... ça m' fait vraiment d'la peine....
J'm'en vais lire Houellebecq,
Bien meilleur écrivain
Que ce pouilleux gredin
Au "style" si vilain.

Mon Art poétique (sonnet)

Respecte la rime
Tout en écrivant
A contre-courant;
Pratique l'escrime!
Respecte la rime 
Afin que ton chant
Émeuve un passant
Quand ton vers s'exprime.
Respecte le mètre,
N'oublie pas d'y mettre
Aussi des couleurs.
Sans parcimonie,
En semant des fleurs,
Atteins l'harmonie.

Bibliographie



La domination musulmane en Espagne commença en 711 avec le débarquement du berbère Tarik, s'étendit rapidement grâce au prince omeyyade Abdar Rahman, qui fonda l'émirat de Cordoue (756) et culmina à la fin du Xe siècle. L'auteur dépeint les hauts faits et la civilisation des grands émirs qui consolidèrent, agrandirent le royaume et combattirent les royaumes chrétiens du nord de la péninsule. Il fait une large place au rôle de l'Espagne musulmane, toutes religions confondues, dans la transmission de la pensée et des oeuvres des écrivains, des philosophes et des mathématiciens de la Grèce antique, aux "intellectuels" d'Occident. Il dépeint l'essor de l'architecture dont l'influence se répandit dans toute la France centrale et la société hispano-musulmane. C'est la reprise de Tolède en 1085 qui fut la première grande étape de la "Reconquista". En 1270, l'Espagne musulmane se réduisit au petit royaume de Grenade qui subsista encore 222 ans, et dont la conquête par les Rois catholiques acheva l'unité de la péninsule.
 





Alors que l'Europe se débattait dans un Moyen Age de conflits et de blocages, le monde arabe était le théâtre d'une admirable civilisation fondée sur les échanges économiques, intellectuels et spirituels. Dans toutes les disciplines - mathématiques, astronomie, médecine, architecture, musique et poésie -, les Arabes multiplièrent les plus prodigieuses réalisations. Venant d'Italie, de Sicile, d'Espagne et autres territoires soumis à la domination ou à l'influence arabe, passant par l'entremise de grands princes, comme Frédéric II de Hohenstaufen ou par le canal de nombreux voyageurs (négociants, pèlerins, croisés, étudiants), les réalisations de cette prestigieuse civilisation ont peu à peu gagné l'Europe où elles jouèrent un rôle déterminant dans l'éclosion de la civilisation occidentale. Sigrid Hunke brosse un tableau saisissant de cette rencontre entre l'Orient et l'Occident. L'influence décisive de la civilisation arabe sur celle de l'Europe - influence trop souvent passée sous silence, sinon ouvertement contestée - est enfin mise en pleine lumière.









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 La Grande Mosquée de Cordoue, le palais de l'Alhambra surplombant Grenade, l'Alcazar de Séville aux patios ombragés témoignent de l'empreinte de la civilisation arabo-musulmane en Espagne. Pendant près de huit siècles - de 711, date de la conquête par les musulmans, à 1493, année de la fin de la Reconquista par les Rois Catholiques -, le sol ibérique, partagé entre Orient et Occident, fut à la croisée des cultures. Composé de récits, de chroniques et de poèmes traduits de l'arabe, de traités de géographie, de lettres et même de recettes de cuisine ; ce volume retrace l'histoire tumultueuse d'Al-Andalus, l'Espagne musulmane. On y découvrira les hauts faits de valeureux guerriers - Mûsâ et Târiq, les premiers conquérants ou le Cid, qui par ses exploits reprit Valence des mains des Maures -, mais aussi la vie du peuple andalou, et tous les chefs- d'oeuvre de la littérature d'alors, du Collier de la colombe d'Ihn Ifarm aux ouvrages d'Averroès, en passant par les zadjals, poèmes marqués par le mélange des langues. Faire revivre, par les textes, une civilisation devenue mythique : voilà le pari superbement relevé par Brigitte Foulon et Emmanuelle Tixier du Mesnil dans cette anthologie à nulle autre pareille.






 La Péninsule ibérique est la seule région d'Europe où chrétiens, musulmans et juifs aient vécu ensemble pendant des siècles. Cette longue coexistence a donné lieu à une civilisation originale. Elle est le fruit de la capacité des uns et des autres à assimiler des traditions différentes, à en faire la synthèse, et à les transmuer de telle façon qu’au delà des particularités, une même culture caractérise l’Espagne médiévale.






L'Espagne musulmane au Xe siècle d'Evariste Lévi-Provençal (1894-1956) a été publiée pour la première fois en 1932. La nouvelle édition de cet ouvrage constitue une heureuse initiative dont les chercheurs et les étudiants pourront se féliciter tant il demeure d'une étonnante actualité.
La dette de l'Europe envers l'Espagne musulmane est d'une importance sans égale. Les règnes des califes Abd al-Rahman III et Afakam II constituent l'époque la plus faste de l'histoire d'Al-Andalus. Ce foyer de haute culture fut un trésor inestimable pour l'Europe médiévale. Il lui rendit accessibles des outils culturels et scientifiques, comme le système positionnel des chiffres (les chiffres arabes), les fonctions mathématiques trigonométriques, et tant d'autres choses, parmi lesquelles de nombreuses traductions. E Lévi-Provençal étudie les institutions, la vie sociale et quotidienne d'Al-Andalus.





 Pendant près de huit siècles - de la conquête omeyyade en 711 à la chute de Grenade en 1492 -, la poésie arabe s'épanouit de façon admirable sur le sol andalou. Elle développe avec aisance son caractère propre ; ses poèmes en strophes, relevés par des termes dialectaux, invitent au chant. Il est aujourd'hui difficile de contester son influence sur l'art des troubadours. La poésie andalouse nous toucherait ainsi de la façon la plus directe. Ce volume rassemble l'essentiel des chants d'al-Andalus. Les voix de quarante poètes, hommes ou femmes, princes ou gens du peuple, courtisans ou soufis, sont convoquées ; les différents genres poétiques sont déclinés à travers leur diversité régionale et leur évolution. Chaque période littéraire est précédée d'un résumé historique, et chaque poète d'une notice biographique et critique. A côté de nombreuses odes classiques (qasida), le recueil propose à part égale des pièces lyriques en strophes (muwashsha et zajal), qui constituent la marque distinctive de la poésie andalouse. Une attention particulière a été donnée à la restitution des différents mètres et rimes.






 Dans l'Espagne médiévale, les musulmans, les juifs et les chrétiens ont su inventer la tolérance. La culture andalouse de cette période est celle des mélanges, une société prospère et riche de splendeurs, où dialoguent et circulent des idées, des textes, dans des langues elles-mêmes métissées. Avec érudition et une véritable écriture, Maria Rosa Menocal retrace l'histoire de l'Andalousie entre le VIIIe et le XVe siècle, à partir de "motifs" ou figures remarquables : poètes, troubadours ou philosophes, intellectuels, hommes de sciences et politiques ; le "joyau du monde" c'est aussi les palais, les bibliothèques ou les jardins, les mosquées et les synagogues. Le rayonnement de cette civilisation et les relations qu'elle développa avec l'Europe et le Bassin méditerranéen se trouvèrent stoppées par la montée de l'intolérance religieuse, l'avènement de la peste noire ; dans une violence extrême, les autodafés marquèrent la destruction des trésors d'al-Andalus. Ce récit nous invite à envisager l'histoire des influences intellectuelles européennes d'une autre façon, notamment les relations entre Orient et Occident. L'auteur montre que cette formidable période fait résolument partie de notre héritage culturel et sans doute de notre avenir, jusqu'à Paris, Alexandrie, Sarajevo... les contours du monde occidental se trouveraient ainsi redessinés.






 Les sept siècles de présence musulmane en Espagne, de 711 à 1492, ont permis l'émergence d'une civilisation dont témoignent la mosquée de Cordoue, l'Alhambra de Grenade ou encore la pensée d'Averroès. Cet apport majeur à la culture de l'Islam médiéval, constitue aussi une étape décisive de l'histoire de l'Occident.
Sans toutefois mythifier une Andalousie conviviale, celle du califat, où les trois religions monothéistes auraient vécu en harmonie, l'auteur met en scène l'histoire précise de cette Andalousie arabe. Il en retrace les conflits et les réalisations culturelles, proposant ainsi une synthèse de nos connaissances sur la civilisation andalouse.

Marcel Khalife - Concerto Al Andalus


Marcel Khalife - Granada